dimanche 3 mars 2013

Caterpillar et ses 1400 travailleurs, c’est triste mais… pourquoi ne parle-t-on jamais des « autres » ?

Cette semaine, la Belgique s’est réveillée en tremblant. Après l’usinage automobile qui a effectué une sortie  route et les coulées à chaud qui ont pris un méchant coup de froid, c’est le rouleau compresseur du chômage qui s’en est allé broyer des travailleurs chez Caterpillar.

Cela fait quelques mois (années ?) que ce scénario se répète : un acteur majeur de l’économie, qui suite à des pressions des actionnaires/comité de direction, sacrifie ses employés, alors qu’il est en bénéfice, pour maintenir une politique de croissance du bénéfice.

A chaque fois, le citoyen s’indigne, le politique discoure et les médias publient l’injustice, la tristesse, le dégoût.

Question : combien de fois va-t-on rejouer cette scène ridicule avant d’agir, de poser des actes vrais, afin de positionner la Belgique en acteur de son économie, plutôt qu’en victime ?

Il existe un tout petite pays, appelé le Luxembourg. Il n’a pas nos grandes universités, il n’a pas le même nombre de chercheurs émérites, d’entrepreneurs acharnés, de politiciens bourrés d’idées ; il n’a même pas notre autodérision, ni notre sens légendaire du compromis. Mais le Luxembourg a eu un jour une volonté politique qui a fait de ce lopin de terre perdu au fond des Ardennes, une plaque tournante de la finance internationale.

Si le Luxembourg l’a fait, pourquoi pas nous ? Qu’est-ce que qui empêche la Belgique d’avancer ?

Sur le site Internet de l’économie belge, il a y des statistiques intéressantes : http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/economie/entreprises/faillites/ans/

Par exemple, on peut voir qu’il y a eu en 10 ans 10587 faillites. Je n’ai pas pu trouver le nombre de travailleurs par rapport à ces entreprises. Prenons une approximation : puisque ces faillites sont principalement des indépendants, TPE et PME, je tablerai sur une moyenne de 1.36 employés par entreprise, soit 14398.32 emplois directs perdus.

Imaginons maintenant, que ces petites entreprises, auraient été soutenues par la Belgique. Que la Belgique, au lieu d’allouer des ponts d’or et autres facilités fiscales à des géants de l’économie, décide d’aider les petits. On pourrait se mettre à rêver que ces indépendants, TPE et PME en viendraient à ne pas faire faillite et à grandir. On pourrait imaginer que ce serait 50000 emplois qui seraient générés.

Mieux encore : les indépendants, TPE et PME n’ont pas d’actionnaires qui en veulent toujours plus, pas de capitaux boursiers qui jouent au yoyo avec leur bilan social, pas de projet de délocalisation, car c’est de l’économie locale, de  l’économie de famille, des entreprises où se tissent des amitiés, des vies, des entreprises qui aiment leurs travailleurs et leurs pays. Nous aurions donc une économie plus stable, pérenne.

Seulement voilà, en tant qu’entrepreneur, je suis au regret de constater que le Belgique n’aime pas ses petites entreprises. Elle favorise les géants de l’économie qui du jour au lendemain délocalisent et suppriment des emplois à tour de bras.

La Belgique considère ses indépendants, TPE et PME comme des ennemis.

Exemple concret : si 10.587 entreprises ont fait faillite, une grande partie de ces faillites sont dues à des retards de payement. Le délai en Belgique cité est entre 30 et 60 jours (http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/456366/temps-de-paiement-des-factures-environ-46-jours.html). Oui c’est une moyenne statistique acceptable, sauf qu’une entreprise ne vit pas de moyennes ; elle vit de réalités.

Si la moyenne est de 60 jours, c’est parce que des clients poussent le bouchon trop loin : 180, 200, 300 ! Tout entrepreneur connait la chanson : c’est d’abord un client, puis un deuxième puis un troisième, puis la spirale infernale : retard TVA, ONSS et amendes.

C’est là que le Belgique, au lieu d’aider ses entreprises, les assassine ; menaces, suppléments, absences de dialogue, huissiers.

Les entreprises sont des organismes vivants. Un problème à la cheville, va entrainer des problèmes de genoux, qui vont entrainer des problèmes de hanches, qui vont faire naitre des problèmes de dos. Il suffit qu’un organe de l’entreprise soit un peu défaillant pour que toute l’entreprise soit malade. C’est juste évident : pourquoi est-ce que cela n’est pas pris en compte dans notre politique économique ?

Pourquoi est-ce que la TVA et l’ONSS ne travailleraient pas avec les entreprises, main dans la main ? Si l’entreprise a des soucis pour payer, il suffirait que la TVA/ONSS contacte cette entreprise, pour savoir ce qui se passe. Il suffirait que l’entreprise cède à la TVA/ONSS une ou plusieurs factures impayées et ce serait à la TVA/ONSS d’aller récupérer cet argent. L’entreprise n’aurait plus de dette, la TVA/ONSS serait payée et l’on diminuerait le risque de faillite à terme.

Selon un rapport UE (http://ec.europa.eu/enterprise/policies/sme/files/analysis/doc/2007/02_resume_fr.pdf), les entreprises belges utilisent 12% de leur temps à régler des tâches administratives. Sur base des time-sheet dans mon entreprise, je peux vous dire qu’en période de crise économique, période où les retards de payement s’accumulent, on est à 22%.

22% de coups de téléphone, d’e-mails, de lettres par recommandé, soit 22% de retards dans les projets, 22% de pertes de confiance de nos clients, 22% d’indemnités de retard à potentiellement payer. 

Autre exemple : aux USA les contrôles fiscaux n’existent pas en dessous d’un certain CA. Pourquoi ne pas supprimer les contrôles TVA/fiscs en dessous d’un CA de 1.000.000 € ? Un indépendant est toujours en manque de temps. Il court à tout vent pour que sa petite entreprise ne connaisse pas la crise. Discuter avec eux et tous vous diront la même chose : ils n’ont jamais le temps d’aller chez un médecin s’ils sont malades, pas assez de temps pour leurs femmes, leurs enfants.

Lors de mon dernier contrôle TVA, j’ai eu un contrôleur très sympa qui m’a expliqué comment ça se passait. Il avait épluché mes chiffres pendant une demi-journée à son bureau. Ensuite, il m’a envoyé un courrier me disant de préparer mes pièces justificatives de la période X à la période Y. J’ai donc moi aussi alloué une demi-journée à cette tâche. Ensuite, pendant 5 heures, nous avons tous les deux étudié les chiffres qu’il avait pointé.

Le coût moyen d’un employé est de 28 € de l’heure. Donc : ((4h * 2) + (5h*2)) = 18h perdues = 504 € qui ont été dépensés pour m’envoyer une correction TVA de… 11 € !

Où est la rentabilité là-dedans ? Où est la logique ? S’il existe une étude universitaire qui modéliserait l’économie faite sur l’absence de contrôle en dessous d’un certain CA, pour concentrer les contrôles sur des "gros poissons" je suis preneur, j’aimerais vraiment la lire.

Au début ce billet, je disais que ce serait intéressant de couper les aides allouées aux multinationales pour les allouer aux indépendant, TPE et PME. Là aussi, si quelqu’un connait une étude universitaire modélisant cela, je suis preneur.

Je vais conclure sur cette idée, en vous expliquant comment j’aimerais que ces aides soient alloués.

Toujours selon l’étude UE, il est dit que 22% des entreprises font face à un manque de main d’œuvre qualifiée. Personnellement, j’ai l’impression que l’on est bien plus nombreux que cela à faire face à ce problème. Là aussi, beaucoup d’entrepreneurs sont à genoux car étant seul, ou en sous effectifs, ils n’arrivent pas à honorer les commandes, ces précieuses commandes qui les aideraient à passer un cap, une difficulté.

Dès lors, je ne demande pas d’aide financière pour nos entreprises, je demande tout simplement que cet argent soit investi dans les écoles et la formation.

Les étudiants sont mal préparés à la réalité du terrain. Ils arrivent dans nos entreprises avec 10 ans de retard ou 10 ans d’avance par rapport à ce que l’on vit réellement. Mettre un étudiant à jour, prend entre 6 mois et 1 an. Chaque engagement est une prise de risque, un investissement financier et humain important.

De même, à mon sens, un chômeur devrait être vu comme un stagiaire en formation rémunérée. A la notion de chômage, devrait être liée la notion d’apprentissage obligatoire. Par exemple, un chômeur devrait être en stage, en entreprise au moins 3 jours par semaine. Si l’entreprise voit en ce demandeur d’emploi un collaborateur potentiel, que l’entreprise puisse l’engager en tant que stagiaire. Il s’agirait d’une sorte de PFI (http://www.leforem.be/entreprises/aides/formation/pfi.html) mais à 100% subsidié, sur une période de 1 an. Le chômage ne serait plus une douleur, plus une « honte », mais un période positive de repositionnement personnel, d’acquisition de nouvelles compétences.

Cela existe déjà en partie, mais l'on doit aller beaucoup plus loin.

Bref, vous me direz que je délire, que je jette des idées sans en prendre en compte l’existant, sans connaître les réels tenant et aboutissant des problèmes.

Vous me direz que je n'y connais rien en économie, en politique.

Vous auriez tout-à-fait raison.

En fait, j’agis exactement comme ces étudiants sortis de l’école, qui une fois dans l’entreprise voient avec le recul du nouveau-né les problèmes à résoudre, sans prendre en compte la complexité de ce qui existe déjà.

Oui… mais… dans le livre que j’ai écrit sur l’e-management, j’ai répété plusieurs fois que s’il existe une vérité fondamentale, c’est que tout processus est améliorable.

Je suis certain que la Belgique est une mine d’or, que ses indépendants – TPE – PME peuvent faire mieux et plus, en travaillant de concert avec les institutions du pays.

Faisons de notre devise, une réalité économique nationale : « L’union fait la force ».  

2 commentaires:

  1. Excellent billet Brice ! Je suis tout à fait d'accord sur le fait que notre gouvernement doit revoir sa copie sur son soutien au TPE (PME), qui je le confirme, ne bénéficie que de miettes en terme d'aide financière : une dizaine de milliers d'euros tout au plus ( sans compter la masse de travail pour remplir des dossiers souvent fastidieux et non adaptés pour une TPE) contre des millions d'euros octroyés à de grosses multinationales sur simple promesse (pratiquement) et ces millions finiront aux actionnaires peu scrupuleux sans jamais avoir créé un seul emploi !!! Nous sommes dimanche et je travaille toujours et encore, pour beaucoup, je suis chef d'entreprise « un patron » à qui "peut-être" on versera (nous a-t-on promis) une pension égale aux ouvriers, quel scandale crient-ils ! Si ces même ouvriers savaient qu'en réalité je travaille depuis 2010 pour développer mon entreprise et que depuis Janvier 2013 je touche "enfin" un salaire net de 1330 € (Et j’en suis fier) duquel je dois encore déduire presque 300 € de cotisations sociales indépendant ! Nous sommes à un tournant et il est urgent de réagir, les pertes d'emplois de ces derniers mois sont un avertissement, si nous ne stoppons pas l'hémorragie, c'est toute notre économie qui pourrait ne pas s'en remettre.
    Bon dimanche Brice.

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  2. Merci Eric. De mon coté, nous sommes dimancje et je configure des serveurs et des firewall ;-) Comme m'a souvent dit mon père: la liberté a un prix! Bon dimanche à toi et beaucoup d'évolution positive cette année pour ton entreprise!

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