Vous souvenez-vous de la phrase mythique du film : « Dead Poets Society » (Le cercle des poètes disparus) ?
CARPE DIEM ; « profite de l'instant présent ».
Il s'agit ici d'une traduction un peu rapide, puisqu'il s'agit d'un vers tiré d'un poème d'Horace, au première siècle avant J-C, et qui, pris dans sa globalité textuelle, devrait plutôt être compris par : « Cueille le jour présent, en te fiant le moins possible au lendemain ».
Je ne vais pas explorer le sens profond de cette phrase, ni de sa portée philosophique, critiquée par Hegel. J'aimerais juste m'attarder quelques instants sur sa signification immédiate et facile : celle de l'importance de vivre pleinement le présent, afin d'être heureux.
De par mon humble (et égoïste) expérience de vie, profiter du présent passe avant tout par les yeux. Cela commence par le contexte global : la beauté du paysage, l'architecture, le charme des lumières, qui donnent à cet instant présent une saveur unique. Ensuite, il y a les autres, sans qui nous ne serions rien, ces miroirs émotionnels que sont les personnes qui nous entourent, avec qui le dialogue passe d'abord, et avant tout, par le regard.
Il existe cette phrase connue de tous : « Le regard est le miroir de l'âme ». Là aussi, nous sommes victimes d'une traduction erronée, puisqu'il s'agit d'une phrase tirée de Platon qui dit plus exactement : « Autrui miroir de mon âme ».
« De même que l’œil peut se reflèter dans l’oeil d’une autre personne, et plus particulièrement dans cette partie d’où procède la vision, la pupille, notre âme se contemplera dans l’intelligence d’une autre âme. Ainsi se trouve justifiée la pratique du dialogue. » Platon, Alcibiade, trad. M. Croiset, Gallimard, coll « Tel », 1991, pp.70-71.
Le regard sublime le dialogue, en transcendant les mots, en dénudant des vérités cachées derrière les rhétoriques.
Or, lorsque je suis au restaurant et que je perds à regarder les tables qui m'entourent, 80 % des personnes ont le nez vissé sur leur mobile, délaissant totalement les personnes avec lesquels ils partagent leur repas. Même impression au Louvre où récemment, je voyais une nuée d'ados parcourir les lieux, insensibles aux œuvres, connectés sur Facebook/Snapchat/autre diablerie, ne partageant pas la moindre impression entre eux.
Quel est le présent de ces personnes ? Quels souvenirs se construisent-ils ? Que retirent-ils de ces instants ? Est-ce qu'un nombre important de notifications ou de Like rend heureux ?
En 2017, les français passent en moyenne 4 heures par jour en mode ultra connectés*.
Les spécialistes parlent de la psychologie de la notification, un comportement analysé depuis environ deux ans et qui tend à prouver que la dépendance aux push d'information des applications mobiles est comparable à la dépendance engendrées par les substances addictives du type alcool ou drogue. C'est ainsi qu'une « maladie » nait petit à petit, la nomophobie, la peur de vivre dans smartphone**, peur qui prend le pas sur la raison.
Tout comme un drogué délaissera, voir maltraitera sa famille, ses amis et sa propre vie, afin d'avoir sa dose, les accrocs aux notifications des smartphones passeront leur repas en amoureux sans regarder l'autre, singerons une soirée entre amis dans des mises en scène photogéniques ridicules, mais donnant une vitrine enviable et donc buzzable sur les médias sociaux.
Si en 2017, alors que je suis CEO d'un logiciel CRM, je n'utilise pas de smartphone, c'est parce que j'ai envie de regarder droit dans les yeux la femme qui partage ma vie, c'est parce que j'ai envie de mémoriser chaque sourire de ma fille, c'est parce que j'ai envie de m'étonner des beautés qui m'entourent, c'est parce que j'ai envie de me construire de vraies souvenirs, d'enluminer ma vraie vie.
Je suis connecté au monde virtuel via mon ordinateur et une tablette de 9h à 17h, puis je coupe la connexion. Rien d’extraordinaire, je ne fais qu’appliquer la loi du Droit à la Déconnexion***. La totalité de mes postes sur les médias sociaux sont gérés par une plateforme d'automatisation : je suis ainsi présent dans le monde digital sans pour autant y investir réellement du temps. Après 17h, je continue donc à travailler, mais à l’abri des sollicitations extérieures inutiles (voir mon billet sur : http://www.ihaveto.be/2017/08/dans-les-coulisses-de-simple-crm-partie.html), sur papier ou via des machines non connectées au reste du monde.
J'ai 2 smartphones (car j'ai 4 numéros de téléphone, internalisation de Simple CRM oblige!). Cependant, ils n'ont pas d'applications « social media ». Ils sont simplement reliés à un système d'alerte interne spécifique aux équipes Simple CRM et me servent à me connecter au web en 4G pendant mes déplacements professionnels.
Je ne prétends pas que mon attitude est exemplaire, ni qu'elle représente le chemin à suivre. Mais si vous avez lu ce billet jusqu'au bout, j'aimerais que vous répondiez honnêtement à cette question : est-ce que le temps important que vous allouez à votre smartphone vous rend réellement heureux ?
A méditer…
* Source : http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2016/11/22/32001-20161122ARTFIG00100-en-2017-les-francais-passeront-4-heures-par-jour-sur-leurs-smartphones-et-leurs-pc.php et http://www.clubic.com/telephone-portable/actualite-807830-jeunes-16-24-ans-passent-4h-moyenne-telephone.html
** http://www.phonandroid.com/addiction-smartphones-on-vous-dit-tout.html
*** https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A11297
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